Les partenariats public-privé favorisent l’essor des projets de captage du carbone à l’échelle mondiale – Rapport 

Photo de l’installation de captage et stockage du CO₂ de Boundary Dam en Saskatchewan

La capacité mondiale de captage et stockage du carbone (CSC) est en voie de doubler en raison de l’émergence de projets faisant de plus en plus appel à des partenariats entre les gouvernements et le secteur privé. 

Cette croissance rapide a été soulignée dans le rapport annuel du Global CCS Institute, un groupe de réflexion international qui assure le suivi des projets de CSC dans le monde entier. 

Selon le rapport publié en octobre, 50 installations de CSC sont en activité, cumulant une capacité de captage totale de 51 millions de tonnes de CO2 par an (Mtpa). Ce chiffre devrait doubler pour atteindre 102 Mtpa lorsque 44 autres installations de CSC en construction seront en fonction. 

Jarad Daniels, directeur général de l’Institut, attribue cette croissance à la coopération accrue entre les gouvernements et le secteur privé :

« La collaboration est désormais essentielle pour stimuler la croissance de l’industrie et permettre un déploiement commercial à grande échelle », a déclaré M. Daniels lors de la présentation du rapport le 15 octobre. « Il existe également de nombreux exemples de partenariats public-privé qui émergent dans tous les pays pétrolifères. » 

Parmi les partenariats mis en évidence par le rapport :

  • Le gouvernement norvégien a financé 80 % du capital de 1,78 milliard d’euros nécessaire au projet de CSC Longship, un projet transfrontalier de transport et de stockage du CO₂ suivant le principe de liberté d’accès. Le premier client de Longship, Yara, recevra une subvention de 30 millions d’euros pour investir dans le captage et stockage du carbone au sein de son usine d’ammoniac aux Pays-Bas. 
  • Equinor, Shell et Total, en collaboration avec le gouvernement norvégien, travaillent au développement de l’installation Northern Lights, qui a pour but de capter 0,8 Mtpa de CO₂ provenant d’usines de ciment et de valorisation énergétique des déchets près d’Oslo. Ce CO₂ sera ensuite transporté vers un centre de séquestration pour être stocké en toute sécurité sous terre. Le gouvernement norvégien finance 880 millions d’euros des 1,2 milliard d’euros nécessaires à l’élaboration de ce projet, ainsi que la totalité des coûts d’exploitation pendant les dix premières années. 
  • Le gouvernement néerlandais et l’Union européenne (UE) ont tous deux contribué au financement du projet de CSC Porthos, dont l’installation permettra de capter 2,5 Mtpa de CO₂ à Rotterdam et de les stocker dans des gisements de gaz vides situés à 20 kilomètres de la côte, en mer du Nord. L’UE a financé ce projet à hauteur de 102 millions d’euros, tandis que le gouvernement néerlandais a accordé 2 milliards d’euros à un consortium composé de Royal Dutch Shell, ExxonMobil, Air Liquids et Air Products pour la construction d’installations de CSC destinées aux usines et aux raffineries de la zone portuaire de Rotterdam. 

James Fann, président et chef de la direction de l’International CCS Knowledge Centre (Centre international de connaissances sur le CSC), estime que cette technologie est de plus en plus acceptée, car elle constitue un outil important pour permettre au Canada d’atteindre ses objectifs en matière de climat. 

« Pour atteindre nos objectifs en matière de réduction du CO₂ dans l’atmosphère, nous devons mobiliser tous les outils disponibles. Le CSC est une technologie qui a fait ses preuves au Canada depuis plus d’une décennie », affirme M. Fann, qui a travaillé au service de l’industrie de l’énergie pendant 20 ans avant de se joindre au Centre, un organisme à but non lucratif situé à Regina et fondé en 2016 pour promouvoir les projets de CSC à grande échelle.  

Selon M. Fann, le Canada dispose de certains avantages clés qui lui permettent d’occuper une position de chef de file dans l’industrie :

« La géologie de l’Ouest canadien offre des conditions de stockage idéales, dont une proximité par rapport aux sources d’émissions, un avantage dont peu de pays bénéficient. En Europe, par exemple, certains projets de stockage en mer entraînent des coûts nettement supérieurs à ceux observés au Canada. Nous pouvons aussi compter sur un grand nombre d’experts techniques possédant des compétences clés, ainsi que sur un regroupement d’émetteurs industriels, ce qui améliore l’efficacité du captage des émissions. De plus, nos entreprises ont une solide expérience dans la réalisation de mégaprojets », souligne M. Fann. « Nous avons prouvé notre savoir-faire en captant et en stockant en toute sécurité plus de 40 millions de tonnes de CO₂. Le Canada bénéficie également de droits fonciers bien structurés, particulièrement dans l’Ouest, et d’un prix du carbone clairement établi. » 

Ottawa et les provinces ont instauré diverses mesures incitatives pour soutenir le financement des projets de CSC, notamment par l’entremise du Fonds de croissance du Canada et d’Emissions Reduction Alberta. Selon M. Fann, le soutien des pouvoirs publics demeure un levier indispensable pour assurer le développement continu de cette technologie.

« La répartition des risques est très importante et de nombreux gouvernements partout dans le monde commencent à s’y intéresser. Ces projets, d’une ampleur considérable, impliquent l’investissement de milliards de dollars dans des infrastructures situées sous terre. Pour avancer, les entreprises ont besoin de fixer un seuil de risques acceptable », explique-t-il.

Cependant, M. Fann établit un parallèle entre le CSC et des sources pétrolifères non conventionnelles, comme les sables bitumineux in situ.

« J’ai débuté ma carrière dans l’industrie des sables bitumineux en 2001. À l’époque, l’incertitude concernant les prix du bitume compliquait l’adoption de nouvelles technologies et le lancement de projets. Avec le temps, les structures de coûts et les technologies ont évolué, favorisant ainsi un développement à grande échelle et une compétitivité sur le marché mondial », explique-t-il. « Je vois une occasion similaire pour le CSC : une nouvelle génération de jeunes talents innovants contribuera à perfectionner les premières générations de projets et à faire progresser ce secteur. Le Canada doit saisir cette chance de maintenir son rôle en tant que chef de file, alors que le déploiement des projets s’accélère à l’échelle mondiale. »

L’Alliance nouvelles voies travaille actuellement au développement d’un réseau de CSC dans le nord-est de l’Alberta. Une fois en service, ce réseau transportera le CO₂ capté depuis de multiples installations de sables bitumineux jusqu’à un centre de stockage souterrain permanent situé dans la région de Cold Lake. Cette infrastructure pourrait également servir à d’autres producteurs de pétrole et industries de la région qui cherchent à séquestrer leurs émissions de CO₂. La concrétisation de ce projet dépend toutefois de l’obtention par l’Alliance nouvelles voies d’une aide fiscale suffisante et des approbations réglementaires nécessaires de la part des gouvernements.