Une entreprise de Calgary aspire à réduire les coûts économiques et environnementaux de la fibre de carbone

7 novembre 2025


Shabab Saad (deuxième à partir de la gauche), cofondateur et chef de la direction de CarboMat, discute avec des collègues de découvertes cruciales réalisées dans le laboratoire de recherche principal de l’entreprise.

Aussi mince qu’un cheveu, mais quatre fois plus résistante que l’acier, la fibre de carbone est présente dans de nombreux objets, des composants d’aéronefs aux vélos, en passant par les bâtons de hockey et de golf.

Quoique nettement plus légère, la fibre de carbone est beaucoup plus coûteuse que l’acier. D’après la Canada West Foundation, le coût de la fibre de carbone industrielle atteignait 7 $ la livre en 2023, alors qu’il s’élevait à 35 $ il y a 20 ans. La version de qualité aérospatiale, elle, peut toutefois coûter jusqu’à 120 $ la livre, un prix qui dépasse largement celui de l’acier, établi à 1 $ la livre.

La majeure partie de la fibre de carbone est actuellement produite avec du polyacrylonitrile (PAN), un composé chimique dérivé d’un élément du gaz naturel. La Chine en est le premier producteur mondial.

Une entreprise fondée par deux chercheurs de l’Université de Calgary a obtenu des résultats prometteurs dans le cadre d’un projet visant à produire de la fibre de carbone à moindre coût, une innovation rendue possible grâce à l’utilisation de sous-produits du bitume extrait des sables bitumineux de l’Alberta.

Selon Shabab Saad, cofondateur et chef de la direction de CarboMat, cette innovation permettra également à l’entreprise de créer un produit susceptible de générer moins d’émissions de carbone1.

« Le principal avantage concurrentiel de notre procédé, c’est qu’il permet de produire une fibre de carbone 60 % moins chère que les produits commerciaux actuellement sur le marché », affirme Shabab Saad.

Selon une étude menée en 2023 à l’Université de l’Alberta, la fibre de carbone fabriquée avec le bitume présent dans les sables bitumineux génère 69 % moins d’émissions au cours de son cycle de vie que les produits à base de polyacrylonitrile. La matière première utilisée par CarboMat provient d’asphaltènes et d’autres sous-produits du bitume extrait des sables bitumineux de l’Alberta.

C’est dans le cadre d’un projet de recherche mené à l’Université de Calgary que Shabab Saad et Md Kibria, cofondateur et directeur scientifique de CarboMat, ont entrepris d’étudier l’utilisation du bitume pour produire de la fibre de carbone.

« En 2020, nous avons reçu 50 000 $ d’Alberta Innovates dans le cadre du Carbon Fibre Grand Challenge, un concours conçu pour accompagner les scientifiques vers une production commerciale de fibre de carbone fabriquée avec du bitume. Cette subvention nous a permis de mettre le projet sur les rails », explique Shabab Saad. « Depuis, nous avons obtenu plus de 5 M$ en subventions de la part d’organismes de financement provinciaux et fédéraux pour nous aider à atteindre le stade de la production semi-commerciale ou commerciale. »

La technologie de CarboMat a été mise au point au moyen de sous-produits des sables bitumineux fournis par les entreprises membres de l’Alliance nouvelles voies.

Dans un premier temps, une phase de prétraitement permet de retirer les matières indésirables du bitume telles que l’argile, le sel, le sable et le soufre. Le sous-produit du bitume ainsi obtenu est ensuite acheminé dans un réacteur, où il est chauffé et mis sous pression. Vient ensuite l’étape du filage, où la matière est transformée en un filament très fin. Ce filament est ensuite soumis à différents procédés qui élèvent sa concentration en carbone pour la faire passer d’une fourchette de 70 % à 82 % à une fourchette de 95 % à 99 %.

« Nous avons bon espoir qu’en augmentant la capacité de production, nous allons pouvoir maintenir les avantages que nous avons documentés relativement à notre méthode », indique Shabab Saad. « Après l’étape du projet pilote, notre objectif est de bâtir une installation semi-commerciale ou commerciale qui entrera en service d’ici le deuxième trimestre de 2028. Une usine commerciale atteindrait une production annuelle de 2 000 tonnes, contre de 25 % à 50 % de cette capacité pour une installation semi-commerciale. »

« Le soutien que nous ont apporté les membres de l’Alliance nouvelles voies s’est avéré déterminant », insiste Shabab Saad.

« Depuis que nous avons pris contact avec l’organisation en 2022, ils n’ont cessé de nous soutenir, que ce soit en nous offrant du mentorat, en nous approvisionnant en matière première ou en nous aidant à trouver des spécialistes dans le domaine des matériaux de pointe », poursuit-il. « Les contributions non financières ont également été nombreuses. Chaque fois que nous avions besoin de parler aux bonnes personnes, ils nous ont mis en relation et ont facilité nos démarches. »

L’Alliance n’a pas financé directement CarboMat, mais l’entreprise a obtenu en 2024 une subvention de 1,3 M$ d’Emissions Reduction Alberta. Cette subvention est financée par le fonds Technology Innovation Emissions Reduction de l’Alberta, auquel les entreprises membres de l’Alliance nouvelles voies contribuent par l’intermédiaire du système provincial de tarification du carbone et d’échange de droits d’émission.

« Nous sommes fiers de participer à la création d’un produit à valeur ajoutée fabriqué à partir de sous-produits du bitume de faible valeur et susceptible de contribuer à la décarbonisation de l’Alberta et du Canada », conclut Shabab Saad.

1 Science Direct