Travailler dans l’industrie des sables bitumineux — un emploi aux multiples possibilités
15 avril 2025

Sherill Hynes connaît bien les nombreuses possibilités qu’offre l’industrie des sables bitumineux, comme en témoigne son parcours professionnel. Comptable professionnelle agréée, elle est passée d’un poste d’analyste commerciale chargée de l’analyse des données financières à celui de cadre supérieure à la mine de base de Suncor, au nord de Fort McMurray, où elle supervise des pelles, des camions de roulage et des équipements lourds.
« Bien que les tâches demeurent sensiblement les mêmes, l’environnement est totalement différent », souligne Sherill, qui a réorienté sa carrière en 2016. « C’est un bel exemple de la diversité des rôles et des perspectives de carrière qu’offre ce secteur. »
L’histoire de Sherill n’a rien d’inhabituel dans une industrie profondément transformée par les avancées technologiques depuis le début de l’exploitation commerciale des sables bitumineux en 1967. Près de 60 ans plus tard, un nouveau rapport révèle que l’industrie du gaz et du pétrole continue d’avoir un besoin criant de personnes qualifiées pour assurer la relève. Careers in Energy, un organisme qui collabore avec les gouvernements, l’industrie énergétique, les établissements d’enseignement et les centres de formation pour soutenir le développement de la main-d’œuvre dans les secteurs de l’énergie, a récemment publié ses Perspectives nationales du marché du travail à l’horizon de 2035.
Le rapport estime que d’ici 2035, plus de 7 000 travailleurs devront être remplacés dans le domaine de l’exploitation des sables bitumineux canadiens en raison des départs à la retraite.
Cela signifie que des efforts de recrutement doivent être entamés dès maintenant, affirme Gurpreet Lail, présidente-directrice générale d’Enserva, un groupe industriel représentant les services, les fournisseurs et les producteurs d’énergie du Canada.
« Nous aurons besoin de main-d’œuvre bien avant 2035, car si nous n’agissons pas dès maintenant pour alimenter ce bassin de talents, nous risquons de perdre de précieuses connaissances organisationnelles », affirme Mme Lail. « Le défi, c’est qu’au cours de la dernière décennie, on a souvent présenté le secteur pétrolier et gazier comme étant en déclin, ce qui a eu pour effet de détourner l’attention des jeunes et de déséquilibrer le profil démographique de la main-d’œuvre. »
Enserva a réagi en lançant le portail en ligne Working Energy, qui met en relation les personnes étudiant dans le domaine avec les possibilités d’emploi du milieu. Toutefois, l’organisation estime que les écoles secondaires, en particulier, doivent mieux promouvoir les métiers spécialisés comme une voie de carrière tout à fait viable pour les jeunes.
« Alors que je conduisais mon fils de 16 ans et quatre de ses amis à un match de basketball, je parlais au téléphone avec un représentant du gouvernement pour discuter des façons de mieux faire connaître les métiers spécialisés aux élèves », raconte-t-elle. « Après que nous avons déposé ses amis, mon fils m’a dit qu’ils étaient tous curieux d’en apprendre davantage sur ces métiers. C’est un sujet que leurs conseillers ou conseillères d’orientation n’avaient jamais abordé avec eux. Il faut que ça change. »
À 26 ans, Jenn Valentine n’a que dix ans de plus que le fils de Gurpreet Lail et travaille comme mécanicienne de centrale dans l’installation sur chantier Pikes Peak South de Cenovus, près de Lloydminster. Ce n’est qu’après avoir fréquenté l’école Saskatchewan Polytechnic, une fois son secondaire terminé, qu’elle a découvert l’industrie des sables bitumineux.
« Quand j’étais plus jeune, je voulais devenir vétérinaire, car j’ai grandi sur une propriété où il y avait des chevaux et des ânes. Mais après avoir accompagné le vétérinaire qui soignait nos animaux, j’ai vite compris que je n’étais pas faite pour ça », raconte Jenn, qui a grandi tout près de Saskatoon. « Mon beau-père était mécanicien de centrale, et j’aimais passer du temps avec mon frère aîné dans l’atelier à réparer des véhicules. Ce métier semblait parfait pour moi. »
Un stage d’été pour étudiants, accompagné d’une bourse d’études offerte par l’entreprise Husky Energy, a mené à une offre d’emploi à temps plein dans l’usine où Jenn travaille aujourd’hui.
« J’aime ce travail parce qu’il exige beaucoup de réflexion, que ce soit pour résoudre des problèmes, planifier des travaux ou démonter de gros équipements pour les entretenir et les remettre en service », explique Jenn, qui travaille dans l’usine chargée de séparer le sable du pétrole, qui est ensuite refroidi et acheminé par pipeline. « C’est un processus très similaire à ce que mon frère et moi faisions dans l’atelier quand nous réparions des véhicules. »
Six ans après le début de sa carrière, Jenn ne regrette pas d’avoir choisi de travailler dans l’industrie des sables bitumineux et elle encourage les élèves du secondaire à explorer cette avenue.
« Je sais que certaines personnes considèrent cette industrie comme étant en perte de vitesse, mais elles ne réalisent pas combien de produits de notre quotidien dépendent du pétrole et du gaz », explique-t-elle. « L’industrie des sables bitumineux offre d’excellentes perspectives de carrière, avec une diversité de parcours professionnels et de milieux de travail. Je suis vraiment enthousiaste pour l’avenir! »
Même si le nombre d’emplois directs dans l’exploitation des sables bitumineux demeure stable, plusieurs secteurs connexes se développeront. Les perspectives d’emploi prévoient une hausse des investissements dans les infrastructures de captage et de stockage du carbone (CSC) pour réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier. Cela devrait faire passer le nombre d’emplois directs dans ce domaine de 130 à un chiffre variant entre 370 et 600 d’ici 2035.
Selon Sean Strickland, directeur général des Syndicats des métiers de la construction du Canada, la construction de cette nouvelle infrastructure de CSC ainsi que l’entretien de l’infrastructure existante des sables bitumineux continueront de générer une forte demande de main-d’œuvre qualifiée dans des emplois indirects.
« L’industrie des sables bitumineux n’est pas en fin de parcours. Elle fait partie des trois plus grands employeurs du pays en construction industrielle, avec l’automobile et la production d’énergie », affirme M. Strickland, dont le groupe représente 600 000 membres à l’échelle nationale, dont 60 000 en Alberta. « Depuis plus de 40 ans, cette industrie génère et soutient des emplois pour nos membres. Environ 80 % des membres qui se trouvent en Alberta travaillent dans l’industrie des sables bitumineux et dans des activités connexes, telles que les arrêts de maintenance, la construction et l’entretien. Certains projets continuent d’attirer des travailleuses et travailleurs qualifiés provenant de partout au pays. »
M. Strickland se montre optimiste quant au potentiel de création d’emplois.
« Nous y voyons une véritable occasion de réduire, voire d’éliminer les émissions de carbone liées à la production d’énergie, tant pour nos membres que pour l’industrie. Nos producteurs ne devraient pas être pénalisés s’ils rencontrent des difficultés à atteindre cet objectif. L’industrie continuera de dépendre de personnes qualifiées pour assurer la production du pétrole, mais les projets de décarbonisation représentent un puissant levier de croissance. Ils requièrent les mêmes compétences que celles mobilisées pour la construction d’usines de valorisation, de raffineries et de pipelines. »
Et presque tous les 60 métiers spécialisés et professions sont représentés par la fédération syndicale.
« Les personnes soudeuses sont toujours très recherchées, en particulier ceux et celles qui possèdent des qualifications spécialisées. Cependant, les compétences en montage de conduites de vapeur, en tuyauterie, en charpentes métalliques et en électricité sont également en forte demande », explique M. Strickland. « Les emplois civils, tels que les manœuvres et les charpentier·ère·s qui construisent des échafaudages, sont aussi très recherchés dans l’industrie des sables bitumineux. Le secteur permet de réelles perspectives d’évolution dans les métiers spécialisés. Il existe des débouchés en supervision, en estimation, en gestion de projet… Les parcours professionnels sont très variés. »
Comme l’a constaté Mme Hynes, l’expérience et les compétences demeurent des atouts, même lors d’un changement de rôle.
« Ma formation de comptable m’a été très utile pour travailler à la mine », explique Mme Hynes, directrice commerciale des opérations minières (camions et pelles) à la mine de base de Suncor. « Suncor accorde une grande importance à la gestion de ses liquidités et s’est fixé des objectifs précis pour réduire les coûts de production par baril. Mon expérience s’avère très utile lorsqu’il s’agit d’évaluer les retombées de chaque dollar investi, que ce soit pour un nouveau produit ou pour optimiser un processus. »