Portrait d’un innovateur : le professeur Mohtada Sadrzadeh
6 octobre 2025

Au cœur du secteur énergétique de l’Alberta, où l’innovation est une nécessité, le professeur Mohtada Sadrzadeh repense discrètement notre manière d’aborder le traitement de l’eau. De ses débuts en tant que chercheur postdoctoral à la création d’un laboratoire de recherche novateur et au lancement d’une jeune entreprise, son parcours témoigne de sa curiosité, de son esprit de collaboration et de la force de son approche interdisciplinaire.
Un parcours guidé par la curiosité
L’histoire du professeur Sadrzadeh commence en Iran, où il a étudié en génie chimique et s’est passionné pour la conception de procédés. Son intérêt pour le traitement de l’eau s’est manifesté naturellement : d’abord à la maîtrise, en étudiant l’électrodialyse pour la séparation des métaux lourds, puis au doctorat, avec la séparation des gaz à l’aide de membranes. Mais c’est surtout le lien entre l’eau et l’énergie qui a réellement capté son attention.
« L’eau deviendra l’or du futur », affirme t-il. « C’est une ressource stratégique qui est au centre d’enjeux énergétiques et environnementaux. »
En 2011, le professeur Sadrzadeh a fait son entrée à l’Université de l’Alberta afin de se joindre à un groupe de recherche focalisé sur la caractérisation de l’eau utilisée pour l’exploitation des sables bitumineux. Lorsque son superviseur a quitté ses fonctions de manière inattendue, il a alors obtenu un poste de professeur avant de lancer son propre programme de recherche.
Création d’un laboratoire de recherche de pointe sur l’eau
En 2015, le professeur Sadrzadeh a fondé le Advanced Water Research Lab (AWRL), le premier centre de recherche de l’Ouest canadien entièrement consacré aux membranes. Soutenu par des partenaires industriels tels que Suncor et la COSIA, le laboratoire s’est imposé comme un pôle d’innovation dans le développement de membranes d’osmose inverse (OI) à haute température, une technologie clé pour améliorer la qualité de l’eau utilisée dans l’exploitation des sables bitumineux. Pour simplifier, le procédé d’OI consiste à appliquer une pression sur une solution, comme de l’eau de traitement, afin de forcer les molécules d’eau à traverser une membrane semi-perméable. Dotée de pores microscopiques, cette membrane laisse passer les molécules d’eau tout en bloquant la plupart des contaminants plus volumineux tels que les sels, les bactéries et autres impuretés, ce qui permet d’obtenir une eau propre.
Le lien entre la qualité de l’eau et l’efficacité opérationnelle est direct : une eau plus pure signifie moins d’encrassement dans les échangeurs de chaleur et les générateurs de vapeur, ce qui se traduit par une meilleure efficacité énergétique. « C’est un système triangulaire », explique le professeur Sadrzadeh. « L’eau, l’énergie et les gaz à effet de serre s’influencent mutuellement. »
GreEnvi : du laboratoire au marché
À mesure que les recherches ont progressé, un passage à l’échelle industrielle s’est imposé. En 2022, le professeur Sadrzadeh a donc fondé GreEnvi, une jeune entreprise née du constat que les laboratoires universitaires, aussi performants soient-ils, ne peuvent répondre aux exigences de fabrication de membranes à grande échelle. Soutenue par les membres de la COSIA, la création de GreEnvi visait à combler le fossé entre innovation et application.
« GreEnvi s’occupe des travaux à plus grande échelle », explique le professeur Sadrzadeh. « L’université, quant à elle, se concentre sur la découverte. C’est une collaboration idéale. »
Aujourd’hui, GreEnvi produit des membranes de microfiltration et d’ultrafiltration, tout en s’apprêtant à commercialiser des modules d’OI à haute température. L’entreprise détient également des brevets sur les membranes d’OI et les membranes sélectives au lithium, des technologies prometteuses pour le traitement des bassins de résidus miniers, entre autres applications. Les membranes d’OI développées par GreEnvi sont des membranes composites à couche mince conçues pour le dessalement et le traitement de l’eau.
Au cœur de l’innovation
Ce qui caractérise le professeur Sadrzadeh, ce n’est pas seulement son expertise technique, mais aussi son état d’esprit. « Le point de départ, c’est la curiosité », rappelle-t-il souvent à ses étudiants. « Posez des questions. Chaque instant est une occasion d’apprendre. »
Il souligne l’importance des équipes interdisciplinaires, précisant que la résolution de problèmes complexes tels que le développement de membranes à haute température nécessite la collaboration de chimistes, de scientifiques spécialisés dans les matériaux et d’ingénieurs en mécanique.
Le conseil donné par le professeur Sadrzadeh aux chercheuses et chercheurs qui se lancent dans l’industrie de l’énergie ou des sables bitumineux est simple, mais profond : il faut d’abord écouter. « N’apportez pas de solution à un problème qui n’existe pas. Discutez avec les spécialistes de l’industrie, comprenez leurs défis, puis innovez. »
Perspectives d’avenir
La vision à long terme du professeur Sadrzadeh est claire : fonder la première usine de fabrication de membranes au Canada pour positionner l’innovation locale au premier rang de la technologie mondiale du traitement de l’eau. Fort de plusieurs brevets et d’une production en pleine croissance au sein de sa jeune entreprise, GreEnvi, il jette les bases d’un avenir où des membranes conçues et fabriquées au Canada permettront de rendre les procédés industriels plus efficaces et plus durables. Que ce soit par la fabrication directe ou par l’octroi de licences stratégiques, son objectif reste le même : traduire la recherche en solutions concrètes aux retombées mesurables.


