Journées métisses de Fort McKay : rapprocher les générations par la tradition
2 octobre 2025

À quelques minutes en voiture du centre communautaire de Fort McKay, où des jeunes dansent au son d’un violon pour marquer le début des Journées métisses, Theresa Donovan se déplace avec aisance entre les casseroles et les chaudrons de taille industrielle de la cuisine communautaire du bureau de la Nation.
Accompagnée de trois autres femmes, l’aînée métisse de Fort McKay s’arrête à différents comptoirs et tables pour observer et s’assurer que la préparation des différents plats va bon train—et les goûter à l’occasion.
« Il s’agit d’un repas traditionnel, qui se compose de soupe, de bannique, d’os du cou, de pain de viande, de salade de pommes de terre, de riz, de petits haricots blancs et d’autres classiques », annonce Mme Donovan. En plus d’être cuisinière, elle détient le titre de sénatrice, une désignation propre aux aînés métis servant de conseillers et de gardiens du savoir au sein des communautés. « Nous cuisinons pour la communauté, alors il est important que tout soit parfait. J’ai grandi à Waterways et à Conklin, et depuis que je suis toute jeune, nous préparons toujours ce genre de repas lors des rassemblements communautaires. C’est une tradition très importante pour le peuple métis. »
Pour Mme Donovan, cette fête revêt une importance particulière : elle marque les premières Journées métisses sans drogue ni alcool dans la communauté—située à environ 30 kilomètres au nord de Fort McMurray—depuis qu’elle s’y est établie, il y a 47 ans.
« Les jeunes doivent apprendre nos traditions et nos pratiques, y compris les repas traditionnels », explique Mme Donovan en désignant un mur recouvert de portraits peints. « Bon nombre des aînés représentés ici ne sont plus parmi nous. Nous avons perdu beaucoup de connaissances. C’est pourquoi il est important d’organiser ces célébrations. Les Journées métisses ne concernent pas seulement ma génération : elles visent à transmettre nos traditions aux jeunes. »

De retour au centre, Loretta Waquan, présidente de la Nation métisse de Fort McKay, affiche un grand sourire en regardant les tout-petits, les enfants et les adolescents de la communauté danser au rythme des airs traditionnels joués par un groupe.
« C’est exactement ce que notre conseil souhaitait pour cet événement. Nous nous concentrons sur la prochaine génération et les deux suivantes. C’est pourquoi il était important que cette célébration soit sans alcool ni drogue. Nous voulons que ces enfants et adolescents apprécient notre culture afin de la perpétuer », explique Mme Waquan, devenue présidente de la communauté en 2023. « Nous voulons qu’ils renouent avec cette partie de leur culture. Ces événements rassemblent les jeunes et les aînés, ce qui leur permet de transmettre le savoir. »
Les deux femmes reconnaissent qu’il est difficile de préserver cette culture unique à l’ère des téléphones intelligents, d’autant plus en vivant dans une communauté située près d’un site d’exploitation des sables bitumineux.
« Notre communauté est entourée par l’industrie, mais cela ne nous empêche pas de rester nous-mêmes », indique Mme Waquan, qui siège également au conseil municipal de la municipalité régionale de Wood Buffalo. « L’importance d’événements comme les Journées métisses réside dans leur rôle pour faire perdurer notre culture et réunir les gens. C’était plus facile avec la génération de ma mère : il y avait toujours des rassemblements. Les gens se retrouvaient au bord de la rivière et préparaient un grand souper communautaire. »
Mme Donovan reconnaît que la transmission du savoir dans la vie moderne présente plus de défis qu’à l’époque où elle a grandi.
« Je n’ai pas seulement appris à cuisiner auprès de ma mère. Mon grand-père cuisinait sur un feu en extérieur et m’a appris à faire de la bannique sur un bâton », raconte-t-elle. « Mon beau-père a aussi eu une grande influence sur moi. Nous avions également des tantes, des oncles et des kohkoms, le mot que nous utilisons pour désigner les grands-mères. Elles n’étaient pas nécessairement de notre famille, mais elles nous ont transmis leur savoir. »
Bien que la communauté soit située à proximité des sables bitumineux, Mme Waquan comprend aussi l’importance de collaborer avec l’industrie. Elle cite en exemple les châteaux gonflables imposants et les kiosques de maquillage installés à l’extérieur du centre communautaire, qui ont vu le jour grâce aux commandites de l’industrie dans le cadre des Journées métisses.
« Les commandites que nous recevons de l’industrie sont formidables et nous permettent d’organiser cette célébration, qui a pris beaucoup d’ampleur », explique Mme Waquan.
De retour chez Mme Donovan, la soupe commence à mijoter. Elle et les autres cuisiniers emballent soigneusement les différents plats destinés au repas communautaire. Elle réfléchit aux défis auxquels les jeunes sont confrontés, mais aussi aux récompenses.
« J’ai perdu beaucoup de mes terrains de cueillette de baies au profit de nouvelles maisons. Mais ces nouvelles maisons signifient que notre communauté s’agrandit, et ça aussi, c’est important, dit-elle. Voilà pourquoi les Journées métisses sont si spéciales. Elles montrent notre histoire et notre culture, de la bannique à la danse des balais. C’est quelque chose qui doit être préservé. »


